Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/80

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La rivière aime aussi que des arbres divers,
Les pâles peupliers, les saules demi-verts,
Ornent souvent son cours. Quelle source féconde
De scènes, d’accidents ! Là, j’aime à voir dans l’onde
Se renverser leur cime, et leurs feuillages verts
Trembler du mouvement et des eaux et des airs.
Ici, le flot bruni fuit sous leur voûte obscure.
Là, le jour par filets pénètre leur verdure.
Tantôt dans le courant ils trempent leurs rameaux,
Et tantôt leur racine embarrasse les flots.
Souvent d’un bord à l’autre étendant leur feuillage,
Ils semblent s’élancer et changer de rivage.
Ainsi l’arbre et les eaux se prêtent leur secours :
L’onde rajeunit l’arbre, et l’arbre orne son cours ;
Et tous deux, s’alliant sous des formes sans nombre,
Font un échange aimable et de fraîcheur et d’ombre.
Sachez donc les unir ; ou si, dans de beaux lieux,
La nature sans vous fit cet hymen heureux,
Respectez-la. Malheur à qui feroit mieux qu’elle !
Tel est, cher Watelet, mon cœur me le rappelle,
Tel est le simple asile où, suspendant son cours,
Pure comme tes mœurs, libre comme tes jours,