Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/81

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En canaux ombragés la Seine se partage,
Et visite en secret la retraite d’un sage.
Ton art la seconda ; non cet art imposteur,
Des lieux qu’il croit orner hardi profanateur.
Digne de voir, d’aimer, de sentir la nature,
Tu traitas sa beauté comme une vierge pure
Qui rougit d’être nue, et craint les ornements.
Je crois voir le faux-goût gâter ces lieux charmants.
Ce moulin, dont le bruit nourrit la rêverie,
N’est qu’un son importun, qu’une meule qui crie ;
On l’écarte. Ces bords doucement contournés,
Par le fleuve lui-même en roulant façonnés,
S’alignent tristement. Au lieu de la verdure
Qui renferme le fleuve en sa molle ceinture,
L’eau dans des quais de pierre accuse sa prison ;
Le marbre fastueux outrage le gazon,
Et des arbres tondus la famille captive
Sur ces saules vieillis ose usurper la rive.
Barbares, arrêtez, et respectez ces lieux.
Et vous, fleuve charmant, vous, bois délicieux,
Si j’ai peint vos beautés, si dès mon premier âge
Je me plus à chanter les prés, l’onde et l’ombrage,