Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/97

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Rougiriez-vous d’orner leurs humbles sépultures ?
Vous n’y pouvez graver d’illustres aventures,
Sans doute. Depuis l’aube, où le coq matinal
Des rustiques travaux leur donne le signal,
Jusques à la veillée, où leur jeune famille
Environne avec eux le sarment qui pétille,
Dans les mêmes travaux roulent en paix leurs jours.
Des guerres, des traités n’en marquent point le cours.
Naître, souffrir, mourir, c’est toute leur histoire.
Mais leur cœur n’est point sourd au bruit de leur mémoire.
Quel homme vers la vie, au moment du départ,
Ne se tourne, et ne jette un triste et long regard,
À l’espoir d’un regret ne sent pas quelque charme,
Et des yeux d’un ami n’attend pas une larme ?
Pour consoler leur vie, honorez donc leur mort.
Celui qui de son rang faisant rougir le sort,
Servit son dieu, son roi, son pays, sa famille,
Qui grava la pudeur sur le front de sa fille,
D’une pierre moins brute honorez son tombeau ;
Tracez-y ses vertus et les pleurs du hameau ;
Qu’on y lise : Ci-gît le bon fils, le bon père,
Le bon époux. Souvent un charme involontaire