Page:Delluc - Monsieur de Berlin, 1916.djvu/15

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pour Claude disparu. Elle était la même, avec, en moins, cet air d’égarement qui m’avait si fort inquiété. Elle semblait lasse, comme après une grande détente, et elle souriait infiniment.

Dans l’auto qui nous emmenait à Ouchy, où est sa clinique, je ne trouvais pas un mot à lui dire. Je la regardais avec stupeur.

— Dites, mon ami, je crois que je n’ai jamais été aussi laide.

Et elle éclata de rire. Puis, comique :

— Ce qui m’amuse, c’est mon nom qui parlera encore de printemps quand je serai un très vieux monstre.

Elle rit encore et me prit les mains. Et avec un air de me gronder :

— Vous êtes bien froid, dit-elle, n’avez-vous pas de joie ?

Je lui demandai :

— Claude est chez vous ?

Elle répondit simplement :

— Chez nous, oui, chez nous.

Il se fit un silence, l’auto descendait la rampe qui aboutit au lac, et le vent du matin nous giflait sainement. J’avais encore de la fièvre.

Je n’osais pas regarder Anna. — Je lui demandai :

— Comment est-il ?

J’attendis. Je peux dire que j’ai connu la peur.