Page:Delluc - Monsieur de Berlin, 1916.djvu/16

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— Le bonheur est dans la maison, répondit-elle.

Je restais anxieux, mais je n’avais plus aussi peur. J’allais lui demander de tout dire. Elle parla. Elle riait tout le temps.

— Nous ferons un fier déjeuner, vous savez. J’ai une nouvelle cuisinière. C’est encore mieux qu’à l’époque de Sonia. Et Claude est si gourmand. C’est incroyable comme « ils » l’ont rendu gourmand. « Ils » me l’ont changé.

Elle se reprit :

— « Ils » nous l’ont changé. Il est d’une gaîté, je dois vous dire, vous allez bien vous amuser avec nous. Car vous m’avez l’air un peu porté à la mélancolie. Ça ne se fait pas, ici, mon vieux. Au point que je n’ai pour ainsi dire pas de malades. Vous vous rappelez les neurasthéniques de haut luxe qui prenaient pension chez moi et que vous trouviez si poétiques et que Claude trouvait si ridicules. Fini. J’ai tout juste trois pauvres diables vraiment détraqués, mais ils ne le seront pas longtemps et je vais les convertir à ma bonne humeur. Ah ! voici la maison du bonheur.

L’auto s’arrêtait devant le mur de briques roses. Le jardinier ouvrit la porte. La cour, vide, me glaça. Claude était là-haut, sans doute, dans sa chambre, immobile, pas transportable. Et j’avais craint le bruit des béquilles sur les pavés