Page:Delluc - Monsieur de Berlin, 1916.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la cour. Sur le perron, Louise, la femme de chambre.

— Monsieur est dans le jardin, dit-elle à sa maîtresse. Il a dit qu’il irait s’asseoir sur la terrasse.

— Il va commencer à être imprudent, bougonna mon amie, mais elle grogna sans colère. Venez vite, ajouta-t-elle, il veut qu’il n’y ait personne autour de vous.

Je suivis Anna. Elle me fit traverser un salon du rez-de-chaussée. La pendule sonnait dix heures avec un joli chant. Anna me prit le bras pour descendre dans le jardin.

Je n’avais plus de pensée. Il me semblait que mon cœur ne battait plus. Nous marchions vite. Je regardais stupidement les petites grappes vertes, vertes, des treilles. Un hydroplane ronronnait sur le lac. La lumière du matin était extraordinaire. Et au bout de ça, quoi, quoi ?

— Enfin, c’est toi, mon frère…

C’était la voix de Claude. Je le vis debout, superbe, les bras ouverts, je lui sautai au cou et le serrai contre moi avec emportement. Je riais, je pleurais. Je tremblais. Sauf ! Il était sauf.

Intact !

Je me reculai, je le regardai, je…

Ses yeux…

Ce fut un lourd silence.