Page:Delluc - Monsieur de Berlin, 1916.djvu/20

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besoin sacré de ne pas voler ce qui n’est pas à eux. Il est de ces coups d’ailes qui soufflent la littérature comme une pauvre chandelle. Il est de ces spectacles intérieurs qu’on ne conte pas. Est-on même sûr de les avoir entrevus ?

Une gaîté d’enfants, une extase inouïe, une tendresse profonde me gagnait à voisiner avec ce bonheur unique et double.

— Vous allez rester ici tout l’été, me dit Anna, et nous rentrerons en France tous les trois au mois d’octobre.

Je respirai.

— J’avais peur, dis-je, que Claude n’ait pas assez envie de toucher la terre de son pays. Je suis content de vos projets. Mais je ne puis vous attendre.

— Quand j’étais en Prusse, dit Claude, je n’étais pas sur de ne pas vouloir demeurer ici toujours. Il y fait doux et c’est le coin choisi par Anna pour ses études et sa vie. Mais je suis trop près de la France. En ce moment je me contrains pour ne pas y courir. J’irai et j’y vivrai. Nous y vivrons.

— Quoi ? Anna ?…

— Oui. Cette maison d’Ouchy, elle la confiera à notre ami Bamblin ou au docteur Evans, et elle guidera tout de même de loin, ce qui est, ce qui sera toujours son œuvre. Mais elle vivra