Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/13

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net d’une dizaine d’années. Sa tête fine, aux cheveux blonds, coupés très ras, se dressait en une attitude singulièrement altière, ses grands yeux gris bordés de cils dorés étincelaient de fierté indomptable et d’une intelligence ardente, inquiétante en cette enfantine physionomie.

— Le docteur Sérand a fait dire qu’il viendrait dans une demi-heure pour parler à Alix, répondit-ild’une voix nette, extrêmement vibrante.

— Décidément, il y a du nouveau, ma chère… ; probablement une réponse, murmura miss Elson à l’oreille de son élève. Mais dites-moi donc, Gaétan, où vous étiez tout à l’heure. Je vous ai appelé plusieurs fois sans résultat.

Un grand pli se forma sur le front du petit garçon. Il se rapprocha du groupe formé par l’institutrice, Alix et le petit Xavier, qui avait de nouveau sorti sa tête de la jupe de sa sœur.

— Je vous ai bien entendue, miss, dit-il d’un ton bref, mais je n’ai pas voulu répondre…

— Vraiment, voilà qui est fort poli !… Et pourquoi donc ?

Une lueur farouche — révolte ou souffrance intense — jaillit soudain des prunelles grises. L’enfant crispa les poings en un mouvement de douleur et répondit de la même voix brève :

— Je m’ennuyais… Je ne voulais voir personne. La main d’Alix saisit celle de son frère et l’attira tout près d’elle. Son regard pénétrant, empreint d’une infinie tendresse, se plongea dans ces yeux assombris.

— Est-ce de la colère, de la bouderie, Gaétan, ou bien le chagrin ?

L’enfant serra violemment les lèvres et ses traits fins se contractèrent sous l’empire d’une émotion puissante.

— C’est à cause de papa… oui, Alix, répondit-il il