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Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/142

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en cachette, sous peine de me voir défendre ces visites.

— Oui, oui, Georgina la détestait… Pauvre Alix, quels ingrats nous avons été envers elle ! Depuis quinze ans, vous êtes la première à qui j’en parle. Mathurine m’a annoncé la mort de mon oncle, puis la totale infirmité de sa fille, mais j’ai refoulé l’émotion prête à monter en moi et, volontairement, j’ai oublié — ou tenté d’oublier — ces parents autrefois si chers, cette cousine qui fut l’amie, la confidente de ma sœur Gaétane et un peu la mienne parfois… Que n’ai-je continué à la voir ! L’influence de cette âme d’élite était peut-être, dans les desseins divins, la petite pierre destinée à m’arrêter au bord de l’abîme. Mais je l’ai repoussée, j’ai rompu avec cette sainte amie parce qu’elle demeurait inviolablement fidèle à celle qui se trouvait séparée de nous par sa faute…

Il s’interrompit brusquement en jetant sur sa nièce un coup d’œil anxieux. Ces mots s’étaient échappés involontairement de ses lèvres. Alix pâlit un peu et dit d’un ton empreint d’émotion grave :

— C’était ma mère…, ma mère si bonne et tant aimée.

— Vous savez ?… Eh bien ! Alix, aujourd’hui, je ne suis plus sûr de n’avoir pas été trompé en cette circonstance comme en tant d’autres. Peut-être ma sœur était-elle innocente !

— De quoi ?… Oh ! dites-moi de quoi l’on accuse ma mère ! s’écria ardemment Alix.

Il la considéra quelques secondes avec une involontaire admiration et dit doucement :

— Ma pauvre enfant, le voulez-vous vraiment ?… Au fait, peut-être pourrez-vous m’aider à éclaircir mes doutes… D’après mon père et Georgina, Gaétane s’est enfuie en emportant un portefeuille garni de valeurs que venait de recevoir mon père.