Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/207

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— Nous serons toujours unis en Dieu, dit-elle avec ferveur. Qu’importe les séparations terrestres à ceux qui ont un but tel que le nôtre ! Dans nos renoncements, nous trouvons plus de bonheur qu’en toutes les félicités de ce monde, et c’est pourquoi vous venez de me donner l’une des plus grandes joies de ma vie, mon oncle Even.



Mlle  de Regbrenz venait de terminer la lecture qu’elle faisait chaque jour à Alix et, posant le livre près d’elle, dit avec un sourire :

— Vous êtes distraite, aujourd’hui, ma petite cousine, et je gage que vous n’avez pas saisi une seule des admirables considérations de notre auteur.

Alix se mit à rire gaiement en tournant vers elle son visage empreint d’une joie sereine.

— Je dois l’avouer à ma honte, cousine Alix. Je pensais à mon oncle et à Gaétan, nos chers arrivants d’hier… Ne trouvez-vous pas que mon frère, depuis cette année, est plus gai, moins mystérieux, moins concentré ?

— Cela n’est pas niable, mon enfant. Sans rien perdre de son charme fier et si particulier, il a triomphé de cet immense orgueil, de ces passions fougueuses et cachées qui nous effrayaient tant en lui. Even a su par les pères qu’il a une piété ardente et forte, un zèle calme, mais intense, pour lequel il brave tout respect humain… mais ses maîtres les plus chers avouent eux-mêmes qu’ils ne le connaissent pas pleinement, qu’en cette âme subsistent des profondeurs inexplorées… En un mot, il demeure toujours un peu une énigme.

Alix inclina doucement la tête et s’absorba dans une profonde songerie… Sa cécité — son petit cloître portatif, comme elle disait gaiement à l’exemple de