Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/215

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Even attira à lui une chaise et s’assit de l’autre côté de la cheminée. Pendant cinq minutes, il contempla d’un air pensif la flamme claire léchant les parois de la cheminée… Alix murmura tout à coup avec mélancolie :

— Et vous nous quitterez aussi, mon oncle…

Il tourna la tête vers elle et répondit avec une gravité émue :

— Cela est vrai, Alix. Vous avez deviné le secret que j’hésitais à vous confier aujourd’hui, vous voyant déjà émotionnée par la révélation de votre frère… Je vous avais promis de conduire Gaétan jusqu’au choix de sa carrière, et le voici fixé. Reste Xavier… Il est léger, paresseux, d’une grande insouciance, mais son cœur est bon et vous avez sur lui une extrême influence. La direction des pères jésuites, unie à vos prières et votre douce affection, suffira pour lui. Il serait à souhaiter qu’il persistât dans son goût pour la carrière militaire, car il a besoin d’une certaine discipline, sans dureté toutefois… Surtout, Alix, qu’il ne soit jamais un oisif.

— Avec l’aide de Dieu, tant que j’aurai sur lui quelque influence, je m’attacherai à faire de lui un homme utile. Mais vous ?… vous, mon oncle ?

— Moi ? dit-il avec un accent d’immense allégresse. Alix, je vais aussi tout quitter… J’avais quinze ans lorsque s’éveilla en mon âme une irrésistible vocation religieuse et, depuis ce moment, cette pensée grandit en moi en me pénétrant de bonheur. Je connus alors les joies délicieuses de la piété, les austères douceurs du sacrifice, les ardeurs reconnaissantes envers Celui qui m’appelait à lui. Un jour — j’avais seize ans — je fis à mon Dieu la promesse de lui appartenir sans réserve… Vous savez de quelle façon je me suis parjuré… Lorsqu’un homme appelé à une telle destinée traîne dans la fange les dons divins déposés en son cœur, lorsqu’il