Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/216

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a foulé aux pieds pendant de longues années le sang de son Dieu, que doit-il faire, Alix ?

— Expier tous les jours de sa vie, répondit-elle sans hésiter.

— Oui, expier dans les larmes de la pénitence, donner pour Vous tout le sang de mon cœur, toutes les forces de mon être, ô mon Dieu ! s’écria-t-il dans un élan de reconnaissance passionnée. Voici pourquoi, Alix, j’entrerai, le mois prochain, à la Trappe de la Melleraye.

La même ivresse mystique qui éclatait tout à l’heure sous la froideur et la réserve de l’adolescent au cœur pur faisait tressaillir l’homme mûr blessé dans les rudes sentiers des passions… Even atteignait l’instant de son entier repos moral. En ces années d’attente dans le monde, il s’était fait solitaire autant qu’il l’avait pu, sa vie avait été celle du religieux le plus austère, le plus ardent au sacrifice, et la pénitence, si effrayante pour les tièdes, lui était devenue une compagne inséparable et très chère… Mais il aspirait à l’entière immolation du cloître, et ce jour était proche enfin. Le cœur déchiré à la pensée des séparations terrestres, mais l’âme ravie d’allégresse, il venait l’apprendre en premier à celle qui était son ange gardien visible.

Un sourire de bonheur dissipa l’ombre descendue un instant sur le front d’Alix. Étendant la main, elle chercha celle de son oncle, et, comme tout à l’heure Gaétan, la serra avec force.

— Vous êtes désormais pleinement heureux, vous n’avez plus rien à désirer, mon oncle… Béni soit Celui qui comble notre famille de ses grâces de choix ! Vous voilà tous dans le droit chemin, excepté…

— Oui, excepté la malheureuse qui a tenté de nous perdre, dit-il mélancoliquement.

Il appuya son front sur sa main et regarda distrai-