Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/74

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Alix, parlez-moi de vos frères, de vos chers parents, de vous-même. Racontez-moi votre vie.

La main dans celle de sa cousine, Alix déroula alors le tableau de son existence, si simple et paisible jusqu’à ces derniers mois. Quand elle vint à avouer ses douloureuses perplexités au sujet de la tutelle du comte de Regbrenz et, surtout, de la vie près de Georgina, elle sentit frissonner la main qui serrait la sienne.

— Avais-je tort, ma cousine ? demandait-elle en fixant les clairs yeux bruns qui exprimaient une sorte d’angoisse.

— Pas complètement, mon cher enfant…, mais enfin… avec des ménagements…

— Il y a des cas, ma cousine, où l’on ne peut, en toute conscience, user de ménagements… Et alors ?… Que ferait-elle ?… De quoi est-elle capable ?

Les doigts d’Alix de Regbrenz froissèrent machinalement l’étoffe sombre de sa jupe.

— Mais à quoi songez-vous là, ma chère enfant ?…Ne vous mettez pas martel en tête et ne faites pas de Georgina un trop noir portrait. Je ne puis, sincèrement, vous dire qu’elle est bonne…Non, non, mais on trouve encore une étincelle cachée au fond des pires natures…

Alix secoua mélancoliquement sa belle tête brune.

— Vous ne me ferez pas prendre le change, ma cousine… Pourquoi ma mère a-t-elle fui à jamais Bred’Languest ?… Pourquoi mon grand-père et son fils sont-ils devenus si étranges ?… Pourquoi, vous-même, avoir rompu complètement avec le manoir, s’il n’y existait une influence profondément mauvaise et dangereuse ?…

— La rupture ne vient pas de moi, mon enfant. Pendant quelque temps, après le départ de Gaétane, nous avons continué à voir de loin en loin mon oncle et ma tante. Georgina nous évitait, mais je