Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/97

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gique et fortement chrétienne pour entendre la vérité, mon Alix. La malheureuse Georgina met son bonheur à entraîner les âmes vers l’abîme étemel ; son père, son frère, le vieux Fanche sont ses victimes, et vous êtes des proies trop tentantes, chers enfants si jeunes et si purs, pour qu’elle vous laisse longtemps en repos.



… Moins bien partagés que les plus pauvres du village, les riches orphelins de Bred’Languest ne devaient trouver au manoir, en ce jour de fête familiale, que l’habituelle indifférence, accentuée encore par Georgina comme une protestation de la libre penseuse sectaire pour l’acte religieux qu’elle n’avait osé empêcher. Mathurine, seule, accompagna à l’église les enfants de sa chère demoiselle Gaétane. La servante remplissait encore quelques-uns de ses devoirs religieux, mais d’une manière fort intermittente !… D’ailleurs, Alix, depuis longtemps, avait remarqué chez la fidèle Bretonne de singuliers changements d’humeur. Ordinairement causante, serviable et laborieuse, il lui arrivait parfois de demeurer la soirée entière inactive, le visage sombre, les yeux étrangement brillants et la bouche close. Le lendemain, elle avait repris sa physionomie habituelle, avec, dans le regard, une lueur triste, comme honteuse.

Tout était énigme dans cette demeure et, pour soustraire le plus longtemps possible Gaétan à cette atmosphère de malveillance et de bizarrerie doublement pénible en ce jour, Alix, les offices terminés, s’en alla finir l’après-midi à Ker-Neven. Là, tous trois étaient attendus, aimés… ; là, Alix savait trouver, près de cette femme au cœur délicat, à l’esprit pénétrant et cultivé, le réconfort nécessaire à son