Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/99

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— Oui, ma cousine, je ne l’ai jamais été comme maintenant, répondit-il avec un enthousiasme contenu. Maman avait raison en me disant, un jour — je me rappelle que c’était un matin où elle souffrait beaucoup — : « Gaétan, je ne serai plus là quand tu feras ta première communion, mais je te souhaite le même bonheur qui a été le mien ce jour-là. Depuis, je n’ai rien éprouvé de semblable, mais ce souvenir m’a sauvé de grandes chutes… » C’était huit jours avant… avant qu’elle s’en aille, ajouta-t-il d’une voix soudain un peu rauque.

— Gardez toujours cette parole de votre mère, enfant… Oui, elle avait dans les yeux la même joie sainte… Qui sait si sa jeune âme n’eût pas sombré dans cette lutte terrible sans cette pensée, ce cher souvenir de l’intime bonheur et de la ferveur dont elle jouit en cette journée bénie ?

— Quelle lutte, ma cousine ? demanda Gaétan, qui attachait sur elle son regard pénétrant. Est-ce contre ma tante Georgina ?

— Qu’allez-vous penser là, enfant ? dit Alix de Regbrenz avec vivacité. Qui vous a parlé de cela ?

— C’est maman, répondit-il d’un ton grave. Un soir, elle m’a pris dans ses bras et m’a embrassé en disant : « Oh ! si elle te voyait, toi, mon vivant portrait, comme elle te haïrait, celle qui m’a torturée et séparée de ceux que j’aimais !… » Maintenant, je comprends de qui elle parlait…

— Vous ne comprenez rien du tout, Gaétan, et vous vous trompez certainement. Laissez toutes ces questions qui ne doivent pas vous occuper et allez rejoindre miss Esther au jardin… Que ne se trompe-t-il vraiment, hélas ! murmura-t-elle involontairement quand l’enfant eut disparu. Pauvre Gaétane, elle n’a jamais oublié les souffrances qui ont précédé son mariage !