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LES DEUX FRATERNITÉS

épaisse et légèrement frisée. Ses paupières étaient en ce moment un peu abaissées, ne laissant qu’à demi apercevoir le regard… Mais quelle expression d’envie, d’amertume haineuse se lisait sur cette physionomie !

Un jeune couple, descendant d’un élégant coupé, entra dans le magasin ; les paupières de l’homme se soulevèrent, laissant voir des yeux clairs qui donnaient à ce visage une vive expression d’intelligence. Ils suivirent, à l’intérieur, les arrivants : lui, un bel homme à l’air sérieux et très aristocratique ; elle, une toute jeune femme brune, fort jolie, habillée avec une élégance sobre. On s’empressait autour d’eux, ils étaient évidemment des clients de marque… Et l’œil clair de l’ouvrier s’imprégnait de haine et d’envie, sa bouche aux lèvres épaisses se crispait nerveusement…

— Malheur !… quand est-ce qu’on les démolira tous, ces riches ! siffla-t-il entre ses dents serrées.

Il eut tout à coup un petit sursaut en sentant une main se poser sur son épaule.

— Tiens, je ne me trompe pas, c’est toi, Prosper ! disait en même temps une voix sonore.

Il se détourna et se trouva en face d’un jeune ouvrier, un gentil garçon à la mine ouverte et au regard très droit.

— Ah ! c’est toi, Cyprien !

— Mais oui… Tu te balades par ici, toi ! Il n’y a donc plus de travail chez Vrinot frères ?

Prosper leva les épaules en grommelant.