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Page:Delly - Les deux fraternités, ed 1981.djvu/11

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LES DEUX FRATERNITÉS

— Je prends du congé quand ça me plaît… et puis s’ils ne sont pas contents…

Un geste expressif acheva sa phrase.

— Ils te remercieront un de ces jours, mon vieux, et ce serait dommage, car tu es bien payé !

— Bah ! je trouverai ailleurs !… Mais je veux être libre, libre de travailler un jour et de me promener le lendemain si ça me dit. J’en ai assez d’être courbé comme un esclave sous la volonté des patrons, de peiner pour les enrichir, tandis que je reste, moi, aussi pauvre que devant ! Il est grand temps que nous balayions tout ça, nous autres, les prolétaires, qu’on exploite et qu’on méprise !

Il prononçait ces mots d’un ton bas, où vibrait une sourde haine.

Cyprien eut un énergique haussement d’épaules.

— Cette bêtise !… Tu auras beau faire, toi et tous les imbéciles qui te tournent la cervelle, il y aura toujours des pauvres et des riches tant que le monde existera !

— Ça m’est égal, si ce sont les riches d’aujourd’hui qui deviennent les pauvres de demain et nous autres qui prenons leur place.

— Vas-y voir !… Il y aura toujours des travailleurs, des malins, des débrouillards ou des chanceux qui sauront redevenir riches comme avant, et des paresseux, des incapables ou des prodigues qui perdront tout ce que leur aura fait gagner ta fameuse révolution sociale, en admettant qu’ils y gagnent quelque chose ! Tiens, toi,