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Page:Delly - Les deux fraternités, ed 1981.djvu/12

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LES DEUX FRATERNITÉS

en ce moment, si tu étais au travail au lieu de flâner comme un rentier, tu aurais gagné une bonne journée, tu la mettrais de côté, ça te ferait un commencement d’économie… Et si ta sœur agissait de même, au lieu de s’acheter des colifichets et des jupons de soie, crois-tu que vous en seriez plus malheureux à la fin de l’année ?

— C’est ça, se priver toujours ! dit Prosper avec colère. Zélie a bien raison, ce n’est pas moi qui leur ferai un crime d’aimer la toilette et les belles choses. Je suis tout pareil… Tiens, le sang me bout en voyant ça !

Il étendait la main vers la devanture chatoyante.

— … Crois-tu que nous n’aurions pas aussi bien que ces aristos le droit de nous donner tout ce luxe ?

Cyprien, qui avait suivi la direction du geste de son interlocuteur, murmura :

— Tiens, c’est le marquis de Mollens !

— C’est de tes connaissances ? ricana Prosper.

— Tu tombes juste, mon vieux ! Même qu’il m’a plus d’une fois serré la main et que j’ai dîné l’autre jour avec lui !

— Blagueur !

— Ah ! tu crois que je plaisante ? M. de Mollens s’occupe beaucoup du Cercle catholique de notre quartier, il vient presque chaque dimanche nous faire une petite conférence, et il parle rudement bien, tu sais ! Puis il cause avec