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Page:Delly - Les deux fraternités, ed 1981.djvu/182

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LES DEUX FRATERNITÉS

devant elle que l’être impitoyable qui n’avait jamais su que la tyranniser.

Elle se leva brusquement, la tête haute, le regard brillant.

— Tu aurais pu t’abstenir de me poser cette question ! dit-elle d’une voix vibrante. Tu n’avais qu’à réfléchir à ce que tu m’as fait souffrir depuis deux ans ; tu n’avais qu’à songer à ta dureté, à tes injustices envers une orpheline sans défense. Comment veux-tu que je n’aie pas l’ardent désir d’échapper à l’esclavage qui m’est imposé dans cette maison ? Comment ne comprends-tu pas que vos bienfaits — vos bienfaits, quelle ironie ! — me sont une charge intolérable, et que le plus beau jour de mon existence sera celui où je quitterai cette demeure ?

Toute l’amertume amassée en son âme s’échappait irrésistiblement comme un torrent longtemps endigué qui rompt enfin ses entraves. Et Alexis l’écoutait, livide, les traits crispés…

— Cela veut dire que tu me hais ? fit-il d’une voix rauque et voilée, en lâchant le poignet de Claudine.

Elle ne répondit pas et se mit à considérer les meurtrissures laissées par les doigts nerveux d’Alexis.

Lui aussi les regardait ; une intraduisible expression de douleur et de colère passa dans ses yeux noirs. Il laissa retomber sa tête sur le dossier de la chaise longue en disant d’une voix étrangement altérée :

— Tu peux remonter chez toi, je connais