Page:Delly - Les deux fraternités, ed 1981.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
LES DEUX FRATERNITÉS

m’étonne qu’à moitié. Chez lui, comme chez la grande majorité de ces socialistes, il y avait surtout la question de la jouissance personnelle.

S’il a maintenant de quoi vivre à son aise, les autres… eh bien ! il s’en moque un peu ! C’est là le fin fond de la doctrine de ces gens qui affolent tant de gogos par leurs phrases ronflantes et leurs appels à la haine.

— Hélas ! dit M. de Mollens avec tristesse. Mais ces malheureux ont un triple bandeau sur les yeux… Je souhaite à notre pauvre pays beaucoup de bons citoyens, de braves ouvriers comme vous, Mariey… et un très grand nombre d’excellentes chrétiennes comme vous, madame, ajouta-t-il en s’inclinant vers Micheline. Je crois que votre foyer pourra être donné comme modèle à toute notre jeunesse ouvrière, et ce sera, si vous le voulez bien, mon vœu à l’aurore de votre union.

— Merci, monsieur le marquis. C’est aussi la demande que j’ai faite à Dieu hier, au moment de prononcer le oui définitif. J’ai pu voir autour de moi tant de tristes ménages !… Oh ! oui, nous sommes heureux, Cyprien et moi, de posséder la foi ! Je voudrais, voyez-vous, l’insuffler à tant de désespérés, à tant de cœurs souffrants ou aigris que je connais !

Elle parlait lentement, d’un ton grave et vibrant où l’on sentait passer toute son âme. Mme de Mollens se pencha vers elle et lui prit la main.

— Micheline, c’est notre tourment à nous