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POÉSIES

» De l’enfant que le ciel accorde à sa tendresse,
» À son premier sourire éprouve moins d’ivresse !…

» — Oh !… sous d’autres regards je t’ai vu t’embellir !
» Au son d’une autre voix j’ai vu ton front pâlir.
» Cesse de m’abuser par un vain artifice,
» Mon orgueil outragé demande un sacrifice ;
» Pour croire à ton amour j’ai besoin d’un remords.
» Immole ces rivaux à mes jaloux transports :
» Éloigne ce Paulus… brise son espérance,
» Et par un crime enfin prouve ta préférence !… »

Ah ! pourquoi de l’amour les profanes accents
Sur les cœurs sans vertu sont-ils donc si puissants ?
Ô triomphe du mal ! Ô trouble de la terre !…
Ce pouvoir séducteur, ce dangereux mystère,
Joseph le connaissait ; — et, déjà rassuré,
Il ne demandait plus s’il était préféré.

Ange de l’hyménée, espoir des âmes saintes,
Ô toi qui de l’amour bannis les chastes craintes,
Et qui, d’un feu divin sachant nous enflammer,
Pour prix de nos vertus nous ordonnes d’aimer !…
Mes vers ne diront point un bonheur qui t’offense,
Ma voix l’accuserait moins que mon ignorance ;
Révélés malgré moi, ces secrets odieux
Souilleraient la candeur de mes rêves pieux.
Moi-même en les chantant je te ferais injure,
Mon front serait plus triste et ma bouche moins pure !
Je livre Magdeleine à tes ressentiments ;
Elle t’a méconnu dans ses tendres serments :
Le voile virginal qui protège tes charmes
Ne fut point inondé de ses pudiques larmes…