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Page:Delrieu - Démétrius, Ladvocat, 1820.djvu/10

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L’impitoyable auteur des maux que j’ai soufferts
Vous a donné le jour, et vous brisez mes fers !
De votre aîné proscrit la marâtre cruelle
Au milieu de sa cour par vos soins me rappelle !
Pourrai-je y contempler sans horreur, sans effroi
Son trôle encore fumant du pur sang de mon roi ?

ANTIOCHUS.

Madame !

STRATONICE.

Madame ! Ô trahison ! ô crime épouvantable !
J’ai vu dans ce palais cette reine coupable,
Également fatale à votre frère, à vous,
Dépouiller de ses droits le fils de son époux ;
J’ai vu, pour désoler ce malheureux rivage,
Des barbares, suivis du meurtre, du ravage,
Accourir à sa voix, et, de sang tout couverts,
Dévaster nos cités et peupler nos déserts !

ANTIOCHUS.

Étonné d’un discours qui m’afflige et m’offense,
D’une mère accusée embrassant la défense,
J’ose, fier d’écarter vos soupçons odieux,
Hautement démentir un bruit injurieux.
Rappelez-vous ces temps et de trouble et de haines,
Où, faible, de l’état abandonnant les rênes,
De ses lâches flatteurs mon père environné,
Par un traître inconnu périt empoisonné.
Il respirait encor, mais son front vénérable
Présentait du trépas l’image déplorable.
Ses yeux étaient mourans et se tournaient vers moi.
Muet, je déplorais le destin de mon roi.
Le ciel, s’il avait lu dans mon âme attendrie,
Aux dépens de mes jours eût prolongé sa vie !…
Près de lui resté seul, je reçus en ces lieux
De mon père expirant les éternels adieux.