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Page:Delrieu - Démétrius, Ladvocat, 1820.djvu/13

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ANTIOCHUS.

Moi ? Je respecterai l’épouse de mon frère.
J’ai dû, secrètement jusqu’à vous parvenu,
Terminer votre exil et rester inconnu.
La reine l’ordonnait. Mais, en brisant vos chaînes,
Étranger à l’amour, je n’ai vu que vos peines.
J’espérais que les dieux, touchés de vos malheurs,
Emprunteraient ma main pour essuyer vos pleurs :
Et que par ma prière une reine attendrie
Vous rendrait un époux, un père, une patrie.
Oui : quel que soit l’attrait que j’éprouve à vous voir,
Vous aimer est un crime, et vous plaindre un devoir.
De l’orgueil des Romains victime infortunée,
Mon frère à votre sort unit sa destinée ;
Au temple de nos Dieux il vous jura sa foi ;
Il reçut vos sermens : ils sont sacrés pour moi.

STRATONICE.

Que de votre équité cette preuve m’est chère !
Le ciel à vos vertus devait une autre mère !…
Connaissez-moi, seigneur ! dès l’enfance, à l’autel,
Unie à votre aîné par un nœud solennel,
Près de lui je dus vivre ; et, de lui séparée,
Je lui garde à jamais la foi que j’ai jurée.
À mes premiers sermens Nicanor applaudit ;
Le roi me les dicta, le ciel les entendit.
Démétrius, soumis à cet usage antique,
Consacré par nos mœurs et par la politique,
Jeune encor comme moi, serra ce doux lien.
Douze ans marquaient alors et son âge et le mien.
Au temple à mon époux j’étais unie à peine,
Quand l’ordre du sénat, ou plutôt de la reine,
Le poursuit, nous sépare aux yeux des immortels,
Et le bannit à Rome en quittant leurs autels !