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sans nom de plantes aquatiques flottent dans l’air, comme un invisible encens. Un ramier, perdu dans le lointain, soupire un long roucoulement. Sous l’écorce qui l’emprisonne murmure la sève ; sur les plantes pâmées s’abat le pollen ; de magnétiques effluves se dégagent de l’eau, des bois, des fleurs ; une chaude ivresse embrase la création, l’universelle nature se parle d’amour et s’agite, palpitante, sous les chauds baisers du midi… »[1]

Donc, quelques jours après le coup d’État qui avait méchamment coïncidé avec la publication de leur premier livre, les deux frères étaient allés remercier J. Janin du long article, incohérent mais spirituel, qu’il leur avait accordé dans son feuilleton des Débats. Au moment du départ, en échangeant les poignées de mains, le critique avait fermé la conversation par ces mots : « Voyez-vous, il n’y a que le théâtre ! » et les jeunes gens, en s’en revenant rue Saint-Georges et en commentant cet aphorisme, eurent l’idée d’écrire une pièce en un acte, ou plutôt une conversation entre une jolie femme et un homme du monde devisant, au coin du feu, à la dernière heure de 1851, et récapitulant les événements de l’année.

Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, que Mme Allan venait de rapporter de Saint-Pétersbourg et qu’elle jouait, avec Brindeau, à la Comédie française, inspire tout naturellement cette revue-proverbe. On l’appelle la Nuit de la Saint-Sylvestre et, à la mode du jour, on souligne par un sous-titre : Tête-à-tête. Le petit acte, pétillant de mots d’esprit, bientôt paré, frisé, pomponné, est porté à J. Janin qui donne une lettre d’in-

  1. En 18, 1 vol. gr. in-16. Bruxelles, Kistemaeckers, 1851-1885, p. 177.