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Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/82

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vieux ne se sent pas le courage, et pourquoi ne le dirait-il pas, le talent d’écrire, lui tout seul, les deux études qui manquent au livre. Du reste, s’il s’en croyait capable, un sentiment pieux que comprendront quelques personnes, le pousserait, le pousse aujourd’hui à vouloir qu’il en soit de ce livre ainsi que de la chambre d’un mort bien-aimé, où les choses demeurent telles que les a trouvées la Mort. »

Telles sont les explications mélancoliques que le frère survivant joignit au titre de l’Art du dix-huitième siècle, commencé en 1859, terminé ou plutôt fermé tel quel en 1875.

C’est un des plus beaux livres d’art qui aient été écrits et édités en France depuis fort longtemps. Il a ceci d’original et de curieux qu’il porte doublement la griffe des auteurs. Suffisamment armés par la pratique de l’eau-forte pour graver eux-mêmes les œuvres dont ils parlent, ils ont échappé à l’habituelle nécessité qui s’impose aux auteurs de faire traduire leur pensée par des graveurs dont l’interprétation est, le plus souvent, d’autant moins fidèle qu’ils sont plus habiles et plus personnels. Jules de Goncourt a été un aquafortiste de grand talent. Aussi ses eaux-fortes et celles d’Edmond font-elles corps avec leur livre ; elles ne sont pas un commentaire, elles semblent pétries de l’essence même du texte et le lecteur ne les sépare plus dans sa pensée. Pour moi, des quatre éditions qui ont été données de l’Art du dix-huitième siècle, je n’ouvre avec un plein contentement que la première publiée en fascicules. Elle est tellement de ses auteurs qu’elle a l’intimité de l’autographe. Dans les suivantes, très soignées pourtant, mais sans eaux-fortes, l’âme du livre semble éventée, comme un parfum.

Et pourtant, elles sont là, tout entières encore, ces monographies minutieuses et brillantes, façonnées,