Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/83

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comme des mosaïques, avec des documents parfois infiniment petits, d’apparence futile, que les auteurs ont ramassés avec amour. Avant eux, l’histoire se faisait pompeusement avec des déclamations philosophiques et des pièces officielles. Ils ont dit, les premiers, qu’on ne voit pas un temps dont on n’a pas, devant les yeux, les menus d’un dîner et les invitations à un bal. Ayant à scruter l’âme d’une époque galante et séductrice, frivole à la surface, mais sous laquelle ont fermenté, jusqu’à l’éruption, les idées les plus audacieuses et les plus diverses, les Goncourt, par leur tempérament d’artistes, leur souplesse d’esprit, leur intelligence tenue en éveil et harcelée par une curiosité passionnée, la faculté qu’ils avaient acquise de manier la plume et la pointe du graveur avec une presque égale habileté, se sont trouvés merveilleusement préparés à remplir la tâche qu’ils s’étaient donnée. Rien de leur sujet ne leur fut étranger ; ils ont tout connu d’un siècle qui, après son grand-père le seizième, a plus créé, à lui seul, dans le cercle des humanités, qu’aucun autre siècle français. Non seulement ils ont fait le tour de l’époque qu’ils décrivent, mais ils ont parcouru tous ses sentiers. Déjà, dans leurs travaux précédents, ils avaient feuilleté et inventorié ses papiers intimes ; ils avaient vécu sa vie, débrouillé ses idées, pratiqué son art. Les jugements qu’ils ont portés sur le dix-huitième siècle seraient définitifs et sans réplique si, par un sentiment de réaction qui nous semble excessif, ils n’avaient pas marchandé sa place au génie de Voltaire et au génie de Rousseau.

La nouveauté de leur œuvre, la part d’invention vraiment personnelle qui leur revient, c’est d’avoir osé dire — il y a trente ans — sur l’Art du dix-huitième siècle, ce que tout le monde en pense aujourd’hui. Le