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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/101

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ronnante. Le sol est accidenté et les collines sont boisées. C’est un pays gras et fertile, plus favorable au pâturage qu’à la culture. Lors du recensement de 1881, Sherbrooke possédait plus de 7,000 habitants dont 4,000 de race française. À l’inverse de ce qui existe dans quelques villes d’Ontario, les deux races vivent sur le pied de la plus parfaite harmonie, se regardant comme indispensables l’une à l’autre. Sherbrooke est au cœur de ces cantons de l’Est qui furent peuplés, après la guerre d’indépendance des États-Unis, par une population exclusivement anglaise. On voit donc quel chemin a été fait depuis cette époque par la race française.

Arrivé à Sherbrooke à une heure trop matinale pour me présenter chez les hôtes qui m’attendent, je pérégrine à travers la ville. Il a gelé pendant la nuit, mais le soleil brille à l’horizon et tout en m’appuyant sur une balustrade pour admirer le paysage, je prends soin de bien m’exposer aux rayons de l’astre réchauffant. C’est alors que deux messieurs m’abordent en me demandant si je suis étranger. J’hésite d’abord à répondre, car je me crois en présence de médecins flairant un Montréalais en rupture de picotte, et déjà je me vois réexpédié en chemin de fer, manu militari. Heureusement c’étaient deux notables de la ville, MM. Chicoyne et Nouel, qui battaient la ville à ma recherche. La glace fut bientôt rompue et mes alarmes disparurent.

Sherbrooke présente un air de fête, provoqué par l’exposition régionale agricole. Cette exposition est installée hors de la ville sur un monticule que l’on atteint en passant sur le grand pont couvert jeté sur le Saint-François. Parmi les animaux, les races bovine et chevaline sont au premier rang par le nombre (chacune d’elles ayant 150 à 200 têtes), mais la race porcine tient la corde comme qualité. Les légumes, les fruits sont aussi nombreux que variés. La pomme y est abondante et cette région du Canada est la seule où l’on boive couramment du cidre. Les machines agricoles sont rares, mais il y a plusieurs appareils destinés à la fabrication du sucre et du sirop d’érable, fort goûtés dans ces parages. Il y aussi des phosphates, des engrais, car la terre n’est pas assez riche pour se passer de leur secours. Enfin un pavillon, beaucoup trop étroit, abrite l’exposition industrielle.

M. Chicoyne, qui toute la journée m’a servi de bienveillant et très érudit cicérone, est un des hommes les plus distingués de Sherbrooke.