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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/126

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au canada et chez les peaux–rouges

Parmi les prisonniers du Nord-Ouest se trouvent Maxime Lépine, métis qui fut lieutenant de Riel, et Poundmaker, chef de la tribu des Cris. Le nom sauvage de ce dernier est Pi to ka ha na Ri wi yen, c’est-à-dire l’Homme qui garde l’enclos (the man keeping the pound). Les Indiens, dans leurs grandes chasses, avaient coutume de construire un enclos vers lequel ils poussaient les buffles afin de pouvoir les entourer et les tuer plus facilement. Lorsque l’enclos était rompu par les buffles, c’est qu’il était mal fait. Dans le cas contraire les honneurs de la chasse revenaient à celui qui l’avait établi. Poundmaker s’était acquis une réputation dans la construction et la garde de ces enclos, d’où son nom de « Faiseur d’enclos ».

Le chef sauvage jouit d’une liberté relative, car nous le trouvons se promenant dans le jardin. Il ne travaille que quand il le veut — c’est-à-dire point du tout — passe la plus grande partie de son temps à fumer et reste souvent plongé dans d’interminables méditations. Sa défense au procès de Regina a été aussi noble qu’éloquente, ce qui ne l’a pas empêché de s’entendre condamner, à sa grande surprise, à trois ans de prison. C’est un bel homme, dans toute l’acception du mot, de haute stature au teint basané, ayant le type de la race mongole, d’où descendraient les Indiens d’Amérique. Sa belle et rêveuse physionomie, qui devient même agréable lorsqu’il daigne sourire, porte l’empreinte d’une profonde intelligence et en même temps d’un calme imperturbable. Sa démarche est élégante et il a les pieds et les mains d’une duchesse — couleur à part. Il est vêtu du costume du pénitencier, c’est-à-dire d’une veste grisâtre et d’un pantalon dont les jambes sont de couleur différente (grise et jaune) ; par derrière sont marquées les lettres M. P. (Manitoba penitenciary) avec un numéro d’ordre. Il a les pieds chaussés de mocassins et porte sur la tête un chapeau mou. Les prisonniers ont les cheveux rasés ce qui, pour les Sauvages, est un déshonneur, tout comme au temps de l’époque mérovingienne. Par une faveur exceptionnelle, Poundmaker a été autorisé à conserver sa chevelure, qui tombe jusqu’à la ceinture, tressée en plusieurs nattes. Deux petites tresses pendent par devant, le long de sa figure, et sont en partie renfermées dans des étuis et anneaux en cuivre. Sur le milieu du front une de ses mèches est retroussée en forme de crête de coq. Il ne parle que le cri, mais l’un des gardiens lui sert, d’interprète. Il