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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/146

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au canada et chez les peaux-rouges

difficultés. Le pays était à peine peuplé, mais dans la partie la plus accessible, et non la moins fertile, se trouvait établie depuis longtemps, sur les bords de la Rivière Rouge, une colonie métisse assez importante. Ces sangs-mélés, ou demi-sangs (half-breed), étaient environ 9,000, pour les trois quarts d’origine française. Leur possession territoriale était indiscutable en fait, mais, en droit, ils n’étaient point nantis d’un titre, ne pouvaient transmettre leurs terres d’une façon valable et souvent même ne parvenaient pas à faire respecter leur bien. Quand on eut reconnu, en effet, que le territoire nouvellement créé de Manitoba était extraordinairement fertile, les arpenteurs, envoyés pour l’établissement du cadastre, opérèrent sans façon et prétendirent disposer à leur gré des terres occupées par les Métis.

Ceux-ci réclamèrent des titres de propriété ou une indemnité équitable en cas d’expropriation. Mais, comme il n’était pas fait droit à leurs requêtes répétées, ils prirent les armes, établirent, à Fort-Garry, un gouvernement provisoire, qui arbora le drapeau blanc fleurdelysé, avec la harpe d’Irlande, et se donna bientôt pour chef un de ses membres, Louis Riel (1869). Et quand le premier gouverneur fédéral, W. Mac-Dougall, connu par son hostilité pour l’élément français, arriva par la voie de Chicago, la seule alors praticable, pour prendre possession de ses fonctions sur le territoire de la Rivière Rouge, le gouvernement provisoire le consigna à la frontière où il dut attendre tout l’hiver. Mac-Dougall prononça alors, de sa propre autorité, l’annexion du territoire au Dominion, mais le cabinet fédéral le désavoua.

Louis Riel était né en 1844 à Fort-Garry. Métis, comme ceux dont il prenait la défense, il possédait cependant peu de sang indien dans les veines. Fort intelligent, il fut remarqué par Mgr Taché, évêque de Saint-Boniface, qui l’envoya finir ses études au séminaire de Montréal. N’ayant point manifesté de dispositions pour la carrière ecclésiastique, il quitta le séminaire et revint au Manitoba au moment où l’agitation de ses concitoyens prenait une tournure plus inquiétante. Éloquent et énergique, il sut acquérir rapidement une influence considérable et se trouva tout désigné, au jour du soulèvement, pour prendre la direction du mouvement. Il publia alors une Déclaration de droits dans laquelle il revendiquait pour les Métis le droit absolu de propriété sur leurs terres.