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LES PEAUX-ROUGES

en voyant ces hommes affaiblis par un pareil régime, minés et usés avant l’âge, malgré un tempérament robuste, qu’il faille des vertus particulières pour être apôtre.

Mais ce qui frappe surtout chez les missionnaires, c’est leur bonté, plus grande peut-être que leur charité, qui leur fait aimer comme des membres de leur famille ces Sauvages pour lesquels ils ont des trésors d’indulgence et qui ne s’en montrent pas dignes. Si, au point de vue spirituel, ils n’ont que difficilement prise sur les Peaux-Rouges, ils ont, par contre, un ascendant moral très développé sur eux et sont les intermédiaires naturels entre ceux-ci et le gouvernement.

Leur présence vaut une armée, et, s’ils étaient plus souvent écoutés en haut lieu, leur intervention prévoyante et conciliante aplanirait bien des difficultés et éviterait parfois des catastrophes comme celle de 1885.

C’est avec regret que nous voyons descendre, à Swift-Current, le P. Cochin qui regagne sa mission de Sainte-Angèle, près Battleford, pillée et dévastée pendant l’insurrection. Grande est sa joie de retrouver ses fidèles disciples ; mais que de misères il aura à secourir et de ruines à réparer !

Nous poursuivons notre course dans la partie la plus déserte de la Prairie. Toute la journée on aperçoit des étangs et des lacs sur lesquels s’ébattent des nuées de canards sauvages, que le passage du train n’effraie aucunement. Des oies, des outardes, des poules de prairie s’envolent à tire d’aile, pendant qu’un skunk (putois) ou un loup de prairie, troublé dans sa quiétude, s’enfuit à toute vitesse, mais presque toujours dans la direction suivie par la machine, qui semble ainsi s’attacher à ses pas.

De temps à autre, on découvre aussi de petits trous, d’où émerge parfois la tête d’un chien de prairie. Ce gentil petit animal, de la grosseur d’un écureuil et assez curieux de sa nature, se met parfois à la fenêtre de son terrier pour voir ce qui se passe. Il n’est pas très sauvage, mais quand on tente de s’en approcher de trop près, on le voit rentrer subitement dans son trou, comme mû par un ressort. Sa peau est employée comme fourrure, mais sa petitesse ne la fait guère rechercher que par les Indiens.

Les troupeaux sont très rares, ce qui ne les empêche pas de se