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LES PEAUX-ROUGES

riers de la tribu en quête de gibier y prenaient part avec leurs armes primitives et leurs fusils de rebut. Il fallait surprendre les buffalos, fondre sur eux à bride abattue, les pousser vers l’embuscade généralement préparée ou chercher à les gagner de vitesse. Et quand, acculés dans une impasse, les buffles cherchaient à se dégager, il s’ensuivait une mêlée courte, mais terrible, où les guerriers laissaient parfois des leurs sur le terrain.

L’arrivée au Nord-Ouest des chasseurs blancs avec des armes perfectionnées, que les Sauvages parvinrent peu à peu à se procurer, transformèrent toutes les expéditions de chasse en véritables boucheries. Quand un chasseur tuait un buffle, il le dépouillait pour avoir sa fourrure, qu’il vendait avec bénéfice, et lui coupait la langue, partie la plus délicate, pour en faire sa nourriture. Tout le reste était perdu. En une seule année on tua jusqu’à 120 000 buffalos.

Le massacre n’ayant pas discontinué, le Nord-Ouest vit disparaître en quelques années son gros gibier. Traqués de toutes parts, les derniers survivants des buffalos se réfugièrent aux États-Unis, dans les montagnes du Dacota, ou gagnèrent le Grand-Nord canadien. À l’exception de ces quelques spécimens, on peut donc considérer le buffle comme rayé du nombre des animaux de chasse du Canada. La Prairie seule conserve encore leurs débris, et dans quelques années il n’en restera même plus trace.

Dans l’ignorance où nous étions, au départ de Montréal, des conditions d’existence au Nord-Ouest et dans les Rocheuses, nous avions fait emplette d’une caisse de provisions où se trouvaient empilées des conserves de tout genre, mais où les petits oignons, les anchois, les cornichons, les câpres et quelques autres condiments tenaient une place fort en disproportion avec leur utilité. Il nous avait fallu demander une licence à Regina pour transporter du vin avec nous, toute boisson fermentée, liqueurs, vin ou bière, étant l’objet d’une prohibition complète au Nord-Ouest. Cette mesure prise dans le but de préserver les Indiens des ravages de l’alcoolisme, eux surtout qui recherchent avec avidité l’eau de feu (whisky), et deviennent dangereux lorsqu’ils sont sous l’empire de l’ivresse, serait excellente si elle était moins absolue. Dès le départ du Manitoba, nous avions, en raison des heures fantaisistes d’arrêt aux stations, fait honneur à nos provisions, et, groupés