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LES PEAUX-ROUGES

moins rebelle au progrès que tous ceux de sa tribu, et un fils de Poundmaker, grand et beau jeune homme de seize ans, que son père a consenti à confier aux missionnaires pour l’élever et lui apprendre un métier, celui de charpentier. Nous adressons quelques mots à ces grands enfants, mais tous semblent plus timides qu’une jeune fille et répondent à peine en baissant les yeux. Remarquant l’intérêt que nous portons aux Indiens, le P. Lacombe, qui s’efforce de nous être agréable, y réussit pleinement en s’offrant à nous faire visiter la réserve de la tribu des Sarcis, située à 8 milles de Calgary.

Nous voici donc tous partis le lendemain dans deux grands chariots trouvés non sans difficulté. Traversant à gué l’Elbow river (rivière du Coude), nous suivons quelque temps la piste assez bien frayée qui mène à Mac Leod. À 20 milles de Calgary, il n’y a plus de terres libres ; tout a été acheté par des colons ou par des spéculateurs, car la couche d’humus, qui a une moyenne de deux pieds de profondeur, forme ici un excellent terrain de culture qui sera prochainement coté à un prix élevé. Mais ces terres sont vides d’habitants pour la plupart, et leurs limites ne sont que rarement indiquées. Cependant nous traversons une propriété de 1,200 acres, coupée en deux par la route et bordée de chaque côté par une clôture en fil de fer qui a certainement coûté plus cher que la propriété elle-même. Nous cheminons ainsi à travers une plaine accidentée, couverte d’herbes jaunes et traversée par un ruisseau fangeux. Là, le P. Lacombe, qui a l’expérience du pays, nous fait faire un léger détour pour franchir la rivière en biais, afin d’éviter le passage habituel, dangereux à force d’avoir été suivi. Mais la deuxième voiture ne suit pas notre exemple. Conduite par un des nôtres qui, en sa qualité de professeur de mathématiques, croyait réellement que la ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre, elle s’engage directement dans le ruisseau, en suivant la piste fréquentée, et grâce à son poids, y reste bel et bien embourbée. Tous les efforts faits pour la dégager ne servent qu’à l’enfoncer davantage, et ce n’est pas sans peine que nous pouvons dételer les chevaux et les faire sortir du marais. Quant au chariot, il n’y faut pas songer. Par bonheur nous trouverons aide et assistance à la réserve des Sarcis à laquelle nous touchons presque, et où nous arrivons deux heures après notre départ de Calgary.