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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/180

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AU CANADA ET CHEZ LES PEAUX-ROUGES

Les Sarcis ont choisi pour résidence la région la plus fertile et la plus pittoresque de la contrée. En effet, en arrivant au haut de la colline qui nous sépare du camp indien, on découvre une large coulée boisée, au fond de laquelle la Fish Creek (rivière aux Poissons) décrit ses méandres. Tout au loin, à l’arrière-plan, la grande chaîne des Rocheuses. Une quinzaine de tentes se dressent près de la rivière ; puis, à peu de distance, quelques habitations basses, en terre et en bois : ce sont les demeures des Indiens pendant la mauvaise saison. L’une de ces habitations, plus grande et autrement confortable que les autres, sert de résidence à l’agent du gouvernement. Un autre groupe de tentes se dresse encore plus loin.

Un de nos compagnons, M. Joliot, qui s’est avancé seul vers le camp pour prendre quelques photographies, se voit bientôt entouré de Sauvages, sortant comme par enchantement de dessous les hautes herbes. D’abord hésitants, les Indiens se rapprochent peu à peu, d’un air sournois et sans mot dire, de l’appareil qui pique leur curiosité. Mais bientôt un grand diable qui excite les autres, se poste devant l’instrument qu’il menace de briser. Vainement M. Joliot essaie de parlementer par gestes avec lui ; pour chercher à l’adoucir, il lui montre même l’intérieur de l’appareil. Mais l’Indien voyant, à travers la glace en position, ses compagnons marcher la tête en bas, se montre de plus en plus menaçant et force est à notre compagnon de battre en retraite aussitôt, mais en bon ordre, pour éviter une collision. La cause de cette opposition nous fut expliquée par le P. Lacombe. Les Sauvages étaient convaincus que l’on invoquait contre eux le mauvais Esprit et qu’ils devaient être atteints d’épidémies qui les feraient mourir à brève échéance.

Après avoir campé et déjeuné sur le bord de la rivière, nous laissons les restes de notre repas aux Peaux-Rouges qui sont venus nous contempler sans mot dire et sans donner la moindre expression à leur physionomie. Leur premier mouvement est de sentir nos bouteilles de vin vides ; leur second de les reposer par terre avec déception, en disant au P. Lacombe que ce n’est pas de l’eau de feu que les blancs viennent de boire.

Ces Sauvages, qui ne le sont pas trop cependant, car ils consentent cette fois, après quelque hésitation, à se laisser photographier, ont le