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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/187

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LES PEAUX-ROUGES

les Sauvages. C’est du côté le plus étroit que s’attelle l’animal de trait, cheval ou chien (quand ce n’est pas la femme) ; ce traîneau sert le plus souvent au transport du bois.

Nous pénétrons dans la loge (tente) du chef en passant, à demi courbés, par une étroite ouverture. La tente, composée de morceaux de toile de divers âges et de grandeurs variées, est soutenue par une douzaine de hautes perches qui se croisent au sommet, laissant au jour un orifice par où passe également la fumée. La marmite est sur le feu au centre même de la tente. Sur des cordes tendues à hauteur d’homme se balancent des morceaux de viande plus ou moins sèche, qui répandent un parfum de venaison des plus accentués. Une douzaine de personnes peuvent tenir à l’intérieur de la tente. Le chef s’asseoit en face de l’entrée, sur des toiles qui recouvrent une partie du sol. Une de ses femmes (car il est polygame) enfile des perles roses et bleues sur ces petits carrés en peau d’orignal qui servent d’ornement. Voyant que nous la regardons avec curiosité, elle soulève un des replis de la toile qui lui sert de tiroir et en sort, pour nous prouver son adresse, deux de ces carrés entièrement terminés. Mais c’est en vain que nous voulons les lui acheter ; rien ne peut la décider à les vendre.

Une autre des épouses de Tête-de-Bœuf reçoit la visite d’une sauvagesse de ses amies et toutes les deux, pour se distraire, jouent… aux cartes, tout bonnement. Elles fument la même pipe, qu’elles se passent d’une bouche à l’autre après en avoir tiré quelques bouffées. Notre présence ne les trouble nullement et elles ne paraissent même pas s’en apercevoir. Leur figure hâlée et brûlée par le soleil a cette rudesse qui fait que souvent il est difficile de les reconnaître des hommes sous leurs couvertures rayées et leur couches de peinture. Il fait chaud sous cette tente et l’odeur de viande qui s’y dégage ne nous invite pas à prolonger outre mesure notre visite. Nous serrons la main du chef et battons en retraite vers nos équipages, le char embourbé ayant été extrait, non sans peine, du marécage dans lequel il s’était affaissé.

En quittant les abords du camp nous remarquons deux arbres morts, n’ayant plus que quelques branches, sur lesquelles les Sauvages ont déposé leurs fétiches pendant la fête du Soleil. Autrefois, cette fête était annuelle, mais les missionnaires et le gouvernement ont fait tous leurs efforts, depuis quelque temps, pour la faire tomber en désuétude. Elle