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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/188

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AU CANADA ET CHEZ LES PEAUX-ROUGES

a cependant encore des racines assez profondes, et de temps à autre on la tolère pour ne pas mécontenter trop fortement les Sauvages.

C’est généralement au mois de juillet que cette fête se célèbre en présence d’un grand concours de guerriers. La cérémonie commence la nuit par une Danse à la Lune, espèce d’invocation religieuse accompagnée de musique sauvage. Puis, au lever du soleil, apparaissent les jeunes guerriers qui, après avoir passé la nuit dans une tente autour d’un grand feu, malgré une chaleur intense, doivent exécuter la Danse du Poteau, véritable scène de torture, auprès de laquelle les exercices hypnotisants et répugnants de la secte arabe des Aïssaouas ne sont qu’une jonglerie. Après avoir passé par diverses épreuves préparatoires pour montrer leur insensibilité à la douleur, les jeunes guerriers à demi nus, la figure peinte et les cheveux ornés de plumes, se font entailler des lambeaux de chair qui tiennent encore solidement au corps. À ces lambeaux on attache des lanières fortement assujetties à l’arbre qui sert de poteau, et les guerriers doivent se détacher ces lambeaux de chair en exécutant des danses convulsives et en poussant des hurlements de douleur au milieu des chants, des clameurs et des excitations des assistants. C’est bien alors un retour à la barbarie la plus horrible. Les jeunes guerriers ne parviennent parfois à se délivrer de leurs attaches qu’au bout de deux ou trois heures, quand ils ne tombent pas évanouis auparavant et ne succombent pas sur place à leurs cruelles blessures. À la fin du spectacle, les Peaux-Rouges sont dans un tel état d’excitation que la moindre chose peut les porter aux pires excès et leur faire jouer du tomahawk. C’est pour éviter ces scènes de désordre et de cruauté que les plus grands efforts sont faits auprès d’eux pour les amener à renoncer désormais à ces sauvages pratiques. Aussi ces barbares réjouissances deviennent-elles de plus en plus rares et le jour de leur complète disparition est proche.

De retour à Calgary, il nous faut attendre plus d’une journée le train de Colombie. Pendant que nos compagnons se livrent à la recherche de bibelots indiens authentiques, tels que calumets, mocassins, broderies, tomahawks, qui deviennent aussi rares que les Sauvages qui le sont entièrement, je profite d’une offre gracieuse que me fait le P. Lacombe d’aller visiter l’école industrielle de Saint-Joseph, en compagnie de Mgr Grandin et du P. Legal, qui doivent poursuivre jusqu’à Mac Leod.