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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/206

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AU CANADA ET CHEZ LES PEAUX-ROUGES

coulée de granit de 60 mètres de profondeur. Ce parcours est d’un effet grandiose et l’on ne sait trop ce qu’on doit admirer le plus de la beauté sauvage de la nature ou des tours de force exécutés par les ingénieurs pour faire passer la voie sur une série de ponts, jetés à une grande hauteur en travers de gouffres profonds, ou accrochés à leurs flancs.

Au delà de Revelstoke commence une série de lacs poissonneux que l’on suit jusqu’à Kamloops non sans franchir une succession de ponts et de tunnels. À Kamloops la scène change et la montagne cède le pas à la plaine. Bientôt on atteint la rivière Fraser, dont les eaux, comme celles de la Columbia, renferment une quantité prodigieuse de saumons qui s’expédient en conserves dans toutes les parties du monde. Le sol redevient mouvementé et le paysage aussi varié qu’agréable jusqu’à l’arrivée à Port-Moody, premier terminus du chemin de fer, remplacé aujourd’hui par Vancouver-City, sur les bords mêmes de l’océan. Huit heures de bateau mènent à Victoria, capitale de la Colombie, située au sud de l’île Vancouver, dans l’échancrure d’une baie du détroit de Fuca.

Victoria, point le plus important de la province, port naturel de tous les bateaux arrivant au Canada par le Pacifique, est une petite ville dotée d’une véritable colonie chinoise formant le quart de la population et ayant son quartier, ses magasins et jusqu’à son théâtre. Sobres, durs à la fatigue, se contentant d’un salaire notablement inférieur à celui des travailleurs américains, les Chinois deviennent un danger pour le Nouveau-Monde qui, de tous côtés, cherche maintenant à leur fermer ses portes. Le champ de la colonisation est cependant assez vaste, surtout en Colombie, où la pénétration dans l’intérieur est encore peu avancée.

Par la douceur de son climat, l’humidité de sa température, la Colombie fait un contraste frappant avec les autres provinces de la confédération. Les richesses de ses pêcheries, de ses forêts et de ses mines lui ont fait donner le nom de Californie du Canada. Il n’est point de province où l’émigrant d’Europe trouve une plus grande variété d’occupations et une plus grande facilité d’acclimatement. La trouée faite par le chemin de fer du Pacifique à travers les Montagnes Rocheuses soude désormais les unes aux autres les provinces les plus éloignées du Canada. Elle leur assure avec une cohésion politique plus forte, un développement commercial considérable auquel ne contribuera pas peu le choix de cette voie nouvelle comme route de transit entre l’Europe et l’Extrême-Orient.