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Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/215

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COLONISATION FRANÇAISE ET AVENIR

et un prêtre canadien-français est chargé de desservir la paroisse. De cette façon la langue et le culte d’origine se conservent et se perpétuent. L’éducation de famille, les relations constantes avec le Canada, la publication de nombreux ouvrages et de dix-sept journaux canadiens ne contribuent pas peu à ce résultat. Ces centres canadiens actifs, laborieux et jouissant de la meilleure réputation font la tache d’huile tout autour d’eux.

Peu de Canadiens ont abandonné leur nationalité pour se faire naturaliser citoyens des États-Unis, mais parmi ceux qui l’ont fait, plusieurs ont conquis parmi leurs nouveaux concitoyens une place honorable dans les affaires publiques. C’est ainsi que les législatures des États de Minnesota, New-York, Massachusetts, Vermont, Connecticut, etc., renferment des députés canadiens-français. Le Maine en compte quatre pour sa seule part, le New-Hampshire, six.

L’influence canadienne est si peu à dédaigner qu’elle fait souvent pencher la balance électorale du côté vers lequel elle se porte. En 1884 le candidat démocrate à la présidence des États-Unis, Cleveland, a été élu grâce à l’appoint des voix canadiennes dans l’État de New-York ; en 1888, le même Cleveland, qui s’était rendu les Canadiens hostiles par sa politique de représailles envers le Dominion, a vu l’élément canadien contribuer à sa défaite.

Cette participation des Canadiens-Français à la vie politique et électorale des États-Unis a cependant un grave inconvénient : celui de leur faire perdre à peu près sans retour leur nationalité. Tant qu’ils conserveront l’usage de la langue française il n’y aura là que demi-mal. Mais le jour où la langue britannique prédominera à leur foyer, et où, comme cela arrive déjà, ils donneront une tournure anglaise à leur nom de famille, le Canada pourra cesser de les revendiquer comme siens.

Tout ceci démontre quel cas les États-Unis doivent faire des Canadiens-Français. Jonathan raille souvent John Bull et Jean-Baptiste ; peut-être rira-t-il moins quand ce dernier aura conquis pacifiquement la prédominance dans la terre de Jacques Cartier, de Champlain et de Montcalm.


fin