Aller au contenu

Page:Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
188
AU CANADA ET CHEZ LES PEAUX-ROUGES

Saint-Laurent et sauvés d’un naufrage complet par la conservation de leur langue, de leur religion et de leurs mœurs

C’est là, en effet, un phénomène intéressant que de constater les facultés prolifiques, dans certaines circonstances, de cette race française déclarée impropre à la colonisation par ceux qui ne connaissent pas son passé et n’ont sous les yeux que les obstacles opposés à l’initiative individuelle. À plusieurs reprises, dans le cours de cette étude, il a été parlé du refoulement naturel et progressif de l’élément anglais vers les États-Unis par la population canadienne-française. Ce qu’il y a de plus merveilleux à constater, c’est que cette population, non contente de prendre au Canada même une extension croissante, se déverse également dans le nord des États-Unis, là où, il y a un siècle, on reconnaissait l’absence presque totale de l’élément français. Peu à peu les Canadiens ont pris le chemin de la frontière pour se fixer dans les États limitrophes de leur pays, attirés surtout par le travail des usines, beaucoup plus développé qu’au Canada et plus rémunérateur, mais plus inconstant et plus affaiblissant que le travail des champs. Les familles ont suivi les travailleurs et bientôt de véritables colonies canadiennes ont été fondées.

Aujourd’hui on estime à 800,000 les Canadiens-Français répandus aux États-Unis dont 500,000 sont fixés dans les États du nord-est. S’il faut en croire les renseignements recueillis par les paroisses, le chiffre s’élèverait même à un million. Les divergences d’appréciation viennent de ce que l’élément canadien n’a été recensé à part que dans quelques États et encore ce dénombrement remonte-t-il à 1885. Dans Rhode-Island on comptait à cette époque 24,631 Canadiens-Français soit 1/12e de la population totale. Au Massachusetts le recensement du 1er mai 1885 accusait 108,073 Canadiens, soit 1/19e de la population de cet État. Au Minnesota, le seul comté de Polk en renfermait 8,000. En Californie on estime à 20,000 le nombre des Canadiens. Ces chiffres sont aujourd’hui au-dessous de la vérité, car l’émigration du Canada, loin de diminuer, a pu se maintenir et même augmenter dans ces dernières années, et tous les États limitrophes, depuis le Maine jusqu’à l’Oregon, renferment d’importantes colonies canadiennes.

Partout où se trouve une population agglomérée assez nombreuse, une école française est établie, une Société Saint-Jean-Baptiste est fondée,