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au canada et chez les peaux-rouges

Le port est situé sur les bords d’une baie de 6 milles de longueur sur 3 de largeur maxima et entièrement abritée de la haute mer. La baie est reliée par un étroit chenal au bassin de Bedford, qui a la même profondeur dans les terres et pourrait former un second port aussi vaste que le premier. Par les marées les plus basses les navires du plus fort tonnage peuvent s’amarrer le long des quais en bois qui, au lieu de présenter une seule et même ligne droite, forment à l’infini une série de petits rectangles ouverts sur la baie. Le Great-Eastern lui-même, ce géant des mers, a pu jeter l’ancre dans le port à quelques encâblures des quais.

Le port d’Halifax a une importance plus militaire encore que commerciale ; car, outre que le mouillage y est à la fois sûr et profond, c’est le seul grand port canadien qui ne soit pas bloqué par les glaces pendant l’hiver. Aussi est-il fortifié en prévision d’une attaque par mer. La citadelle, qui se dresse au sommet du monticule sur les flancs duquel est bâtie la ville, occupe une forte position stratégique et est appuyée par une ceinture de forts détachés qui s’élèvent sur l’île Mac-Nab, l’îlot Georges et les différents bras de mer qui serpentent autour de la ville. La garnison anglaise, la seule qui existe au Canada, est forte d’environ 2,000 hommes. La citadelle est en état de défense complète ; elle est armée de canons de gros calibre ; sur les remparts s’élèvent de grandes casemates à l’abri de la bombe. Les soldats profitent des loisirs de la paix pour s’y livrer à la culture des champignons de couche.

Halifax possède un jardin public assez coquet et soigneusement entretenu. Les parterres de fleurs y sont nombreux mais nullement arrangés avec goût. D’un côté on joue au lawn-tennis, de l’autre on écoute la musique militaire. Dans les allées, circulent en groupe, de jeunes Anglaises, fort mal attifées pour la plupart, ce qui ne les empêche pas de croire que seules elles savent s’habiller. Les voyageurs français sont l’objet de l’attention générale ; on les regarde un peu comme des bêtes curieuses, et ils produisent sur les Halifaxiens à peu près le même effet que les Nubiens ou les Esquimaux, exhibés au Jardin d’Acclimatation, font sur les Parisiens. Les reporters ne manquent pas de venir les interviewer, mot à la mode, qui, en anglais veut dire interroger. Les journaux anglais sont remplis de leurs faits et gestes. On