Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/104

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regard de la châtelaine s’adressait à l’humble servante, qui en gardait le reflet dans ses yeux clairs. C’était Martine, qui, un genou sur le sol, tirait sur la jambe de la grande dame le fin bas ; elle nouait la jarretière et tendait la douillette mule de satin. Puis Mme d’Étioles se dressait toute blanche et rose, couverte de guipures.

Jasmin descendit dans le village. Les arbres balançant leurs ombres au milieu du chemin posaient sur les épaules du jardinier des dentelles de lumière. Il longea le mur du parc, arriva à la porte cochère, où il heurta avec le lourd marteau de fer. Le cadran bleu de la petite ferme qui se trouvait vis-à-vis de l’entrée marquait onze heures.

Un jeune domestique ouvrit.

— J’ai nom Buguet, dit Jasmin, et j’apporte des fleurs à Mme d’Étioles. Mandez cela à Martine Bécot.

Le garçon disparut et revint avec la chambrière. Elle embrassa Jasmin aux deux joues, puis s’extasia sur la carriole et le cheval. Elle pirouetta gaiement et partit en criant :

— Ne déballe pas ! Je vais prévenir Madame ! Je veux qu’elle voie comme c’est joli !

Jasmin se sentit un frisson à l’échine. Du coup ses fleurs lui parurent ternes. Volontiers il eût fait flamber les rouges de ses tulipes d’une mesure de sang tirée de ses veines ; il eût sacrifié ses écus pour que les jaunes devinssent d’un or pur, il eût donné son