Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/120

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par un pont à trois arches au quartier de Saint-Aspais : au-dessus des toits de ce dernier filait plus haut que les alouettes l’aiguille aiguë d’un svelte clocher. Puis Jasmin prit à travers bois la route large et ombragée qui montait lentement à la Table du Roi, une table de pierre, construite l’an 1723 au milieu d’un vaste carrefour et destinée à recevoir le gibier des traques.

Et voici la forêt ! Les allées s’ouvrent silencieuses ; les grands arbres, qui paraissent, même en plein soleil, conserver un peu de nuit dans leurs branches, tant ils sont anciens, épandent une ombre calme aux futaies. Çà et là sous les ramures, quelques rochers couverts de mousse affectent des formes de monstres lépreux. La solennité de ce décor sauvage et taciturne met du froid à l’échine de Jasmin. Il fouette Blanchon : le grelot le rassure dans la forêt profonde et vieille comme la mer. Tout à coup, passé la Table du Grand-Maître, qui ressemble un peu à celle du Roi, un bruit étrange retentit, une mêlée de hurlements, de cris, d’abois. Un cerf apparaît sous les arbres. À la vue de Jasmin il s’arrête, redresse ses bois, fixe sur le jardinier de grands yeux bruns qui pleurent. Puis il baisse la tête, se remet en marche, traverse le chemin d’une allure lasse et triste ; son pelage roux se glisse derrière une roche.

Aussitôt surgit la meute : les chiens cherchent la trace