Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/177

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Partout cela bruissait et grouillait. Une armée montant à l’assaut n’eût pas été plus animée. Parfois, au milieu du bruit des truelles, des marteaux, des moutons frappant sur les pilotis, un artisan lançait quelque chanson entendue à la barrière des Gobelins.

Jasmin ne se mêlait pas trop à cette plèbe. Martine lui avait été enlevée par Mme de Pompadour et il couchait seul dans une chambre de Brimborion. Il y entendait couler la Seine, et parfois le clair de lune venait le réveiller. Alors il songeait à Mme de Pompadour et à Martine. Elles se trouvaient loin, à Versailles ou à Choisy-le-Roi. Jasmin avait le corps brisé par les travaux de la journée : cette fatigue lui paraissait délicieuse parce que c’était pour la Marquise qu’il avait épuisé ses forces. Il la voyait déjà aux allées du parc, parmi les fontaines. Il croyait surprendre un de ses regards apporté par un rayon de lune, et sa voix dans le murmure du fleuve. Il se levait et, par la lucarne, apercevait la robe rose qui traînait au ciel comme à Boissise, comme partout. Mais un bénitier donné par Martine lui rappelait soudain la douce bonté de sa femme, ses regards de tourterelle, ses soins, sa tendresse. Jasmin se disait que Martine rêvait de lui. Il la revoyait petite, dans le jardin du père Buguet, puis plus grande et déjà amoureuse. Elle croissait et s’attachait comme un lierre.