Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/206

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coquets châteaux du monde. Leurs âmes s’étaient assouplies et les plaies qui les faisaient saigner jadis s’effaçaient. Martine n’avait plus de tristesse ni de jalousie. Jasmin n’éprouvait plus de remords. Tous les deux étaient sous le charme de la Marquise.

Mme de Pompadour avait le secret de se faire adorer. D’une nature foncièrement froide, toute de calcul et d’ambition, elle savait pourtant, parmi les grâces et inventions, retenir le Roi : égoïste, volage, ennuyé, hypocrite, il avait besoin d’être charmé et séduit chaque jour. Heureusement, pour suffire à ce qu’elle appelait ce « combat perpétuel », Mme de Pompadour était douée d’un tempérament extraordinaire d’artiste. C’était la plus délicieuse et la plus habile comédienne de son siècle. Si, pour rendre son corps voluptueux — ainsi qu’elle le disait à Mme de Brancas, les hommes mettent beaucoup de prix à certaines choses, — elle usait de philtres d’Orient et de régimes échauffants, qui lui prodiguaient la grimace de l’amour, elle trouvait dans son génie toute la vénusté d’une belle danseuse, la vivacité d’un poète, la raison d’un philosophe ; elle chantait mieux que Mlle Fel et, au clavecin, son jeu était suave. Elle savait dire le conte libertin comme la Scheherazade et voulait ôter au souverain jusqu’au souci de l’État. De cette agitation, qui torturait la favorite (car elle avait au cœur l’angoisse de la disgrâce