Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/269

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père l’élagua le premier. Son tronc n’a pas un chancre. On le dirait de marbre.

Buguet passa la main sur l’écorce fine et jaspée.

— Il meurt malheureusement par la cime, continua-t-il. C’est dommage. Il faudrait le rabattre.

Le châtelain, qui n’avait pas encore ouvert la bouche, arma son arquebuse et, tirant sur l’érable, fracassa une branche.

— Voilà comment je taille mes arbres, railla le gentilhomme. Mais crois-tu, manant, qu’il soit aisé d’entrer chez un d’Orangis ? Je t’ai écouté trop longtemps. De qui te recommandes-tu ?

— J’ai planté les jardins de Bellevue, sous les ordres de M. de l’Isle, et suis resté près de neuf ans comme jardinier au service de Mme la marquise de Pompadour.

— Et pourquoi la Marquise t’a-t-elle chassé ?

— Je l’ignore, répondit Buguet en baissant la tête.

— Va le lui demander et reviens me le dire.

Le marquis rechargea son arme et regarda le jardinier s’éloigner. L’homme marchait le dos courbé, embarrassé de ses bras qui lui semblaient gourds et lâches.

En rentrant Buguet dit à Martine, d’un ton qu’il voulut rendre indifférent :

— Le marquis est un braque qui taille ses arbres à coups d’arquebuse et n’a que faire de mon travail.