Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/273

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Seul Vincent Ligouy venait quelquefois travailler au verger. Il chantait, et cela faisait rêver Buguet. L’insensé montrait de la tendresse plein ses yeux, dès qu’il entrait et souvent il embrassait la main du jardinier qu’il avait prise brusquement.

Les autres reprochaient aux époux la mort de la mère Buguet. Laïde Monneau, qui gagnait une figure bouffie sous ses cheveux blancs et marchait comme une canne, s’apitoyait dès qu’elle voyait Martine :

— La pauvre défunte ! clamait-elle d’une voix aussi verte que la luzerne. Elle eût vécu encore si on ne l’avait laissée seule ! Moi qui veillais sur elle comme si j’avais été sa fille, je la voyais se manger les sangs tous les jours ! Elle se minait ! Elle se minait !

Quand Jasmin allait porter quelques pauvres chrysanthèmes au cimetière, les gens le dévisageaient avec des yeux sournois.

— Ça l’avance bien à cette heure, la vieille, dit une des Règneauciel. Il fallait lui donner plus de soins pendant sa vie. Les fleurs ne profitent qu’aux abeilles, maintenant qu’elle mange les pissenlits par la racine !

Comme Jasmin ne travaillait plus autant :

— Le fainéant ! disait-on. Il a appris chez les grands à passer de grasses journées pendant que sa mère préparait elle-même son pain noir.