Page:Demolder - Le Jardinier de la Pompadour, 1904.djvu/67

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En attendant, pour remplacer le vide laissé par les dahlias disparus, Jasmin repique les pieds de réséda et ceux de véronique : avec les chrysanthèmes et les roses de Bengale, ils forment l’arrière-garde de la flore des jardins.

À vrai dire, ces plantes ne lui importent guère. Jasmin les cultive pour la pratique : au fond, il les trouve rustaudes, surtout la véronique avec ses thyrses violets : elle fait songer aux petites vieilles qui hantent l’ombre des églises. Les chrysanthèmes, plus rares, ornent les tombes au jour des morts.

Prenant une touffe de réséda, Buguet est sensible à sa bouffée bon odorante : elle lui rappelle Christine la berlue, une laideronne qui lui apprit l’amour lorsqu’il avait seize ans : quand il la retrouvait dans une grange, il fermait les yeux pour ne pas la voir, tandis qu’il humait en un baiser obscur l’haleine parfumée de la paysanne.

Depuis les vendanges, Jasmin travaille avec acharnement. Déjà ses coffres sont en place ; les épinards semés dans les vieilles couches à melons arriveront les premiers au marché et la planche d’oseille couverte de paille donnera de jeunes feuilles tout l’hiver pour les bouillons aux herbes. Jasmin a aussi détaché les œilletons des artichauts, et terminé les semis de laitue et de romaine.

Aujourd’hui il attend Vincent Ligouy pour débarrasser