ment et l’augmentation continuelle des exigences économiques des employés et des ouvriers des chemins de fer. Cependant, cette histoire présente quelques particularités : tandis que dans tous les autres domaines de la vie nationale, l’usurpation du pouvoir d’État par des organisations privées se heurtait à une opposition, si faible qu’elle fût, du Gouvernement, dans l’administration des chemins de fer ce procédé était propagé par le Gouvernement lui-même dans la personne du Ministre des transports, Nekrassov.
Ami et inspirateur de Kérensky, successivement ministre des transports, ministre des finances, vice-président du Conseil des Ministres et suppléant du président, gouverneur général de Finlande, octobriste, cadet et radical-démocrate, tenant la balance entre le Gouvernement et le Soviet, Nekrassov est, parmi les milieux dirigeants, la figure la plus sombre et la plus fatale, qui marqua d’un sceau indélébile de destruction haineuse tout ce à quoi elle a touché, que ce soit la constitution des « Vikgèle. »[1], l’autonomie de l’Ukraine ou la tentative de Kornilov…
Le Ministère n’avait aucun plan général, ni économique ni technique, et, d’ailleurs, il eût été difficile de réaliser quelque plan que ce soit. Car, dans l’organisation des chemins de fer, autrefois forte de sa discipline, Nekrassov voulut introduire « à la place des anciens mots d’ordre de coercition et de peur ( ?), de nouveaux principes d’organisation démocratique », en constituant, dans tous les services de l’administration des transports, des Soviets et des comités électifs. Pour les organiser, le Ministre accorda des crédits considérables et, par sa fameuse circulaire du 27 mai, conféra à ces organes de très larges compétences dans le domaine du contrôle public, de la surveillance du fonctionnement des chemins de fer et des « instructions » à donner aux membres responsables de l’administration. On promettait également aux organisations de cheminots de leur confier plus tard les fonctions administratives… « En attendant, le Ministère des transports et les institutions locales qui en relèvent devront rigoureusement coordonner leur travail avec les avis et les vœux des travailleurs unifiés des chemins de fer ». Ainsi M. Nekrassov confiait à une organisation privée les intérêts les plus graves de l’État, — l’orientation de la politique ferroviaire, le sort de la défense nationale, de l’industrie et de tous les autres domaines de la vie nationale qui dépendaient de l’utilisation des voies de communication. C’était une mesure qui, comme l’a dit un critique contemporain, aurait été juste, si toute la population russe n’était composée que de cheminots.
On est bien obligé de voir dans cette réorganisation, sans précédent dans le monde entier et réalisée par Monsieur Nekrassov quelque chose de pis qu’une simple erreur ou aberration d’esprit.
Les grandes lignes de la politique ministérielle furent inter-
- ↑ Comité Exécutif Panrusse de l’Union des Cheminots.