tout le monde n’avait qu’un seul désir, celui de profiter, d’arracher un lambeau, de s’emparer d’une part aussi grande que possible du Trésor, comme si l’on eût eu peur de laisser échapper le moment où il n’y avait ni pouvoir, ni résistance de la part du Gouvernement. M. Nekrassov lui-même dut reconnaître, à la conférence de Moscou, qu’ « à aucune époque de l’histoire russe, aucun Gouvernement tsariste n’a été aussi large, aussi peu ménager de ses ressources que le Gouvernement de la Russie révolutionnaire », et que « le nouveau régime révolutionnaire coûtait bien plus cher que l’ancien ».
Il suffira de citer quelques « chiffres astronomiques » pour faire apparaître les difficultés insurmontables du budget. La diminution du rendement et l’augmentation excessive des salaires nécessitèrent des frais immenses, soit pour subventionner des entreprises qui périclitaient, soit pour payer au-dessus du prix normal les marchandises produites. Rien que pour le bassin du Donetz il a fallu, par exemple, payer un supplément de 1.200 millions de roubles. L’augmentation de la solde militaire revint à 500 millions, celle des cheminots, à 850 millions et celle des employés des postes, à 60 millions de roubles ; d’ailleurs, au bout d’un mois, ces derniers exigèrent une nouvelle augmentation de 105 millions, tandis que le revenu des postes et des télégraphes se totalisait par 60 millions. Pour payer des allocations aux femmes des soldats, le Soviet réclama 11 milliards de roubles, soit presque le budget annuel de 1915, tandis que depuis le commencement de la guerre et jusqu’à 1917, on avait dépensé à cet effet 2 milliards de roubles. L’entretien des comités de ravitaillement revenait à 500 millions de roubles par an ; celui des comités agraires, à 140 millions, et ainsi de suite.
En même temps que cette augmentation des dépenses, on observait une diminution considérable des revenus. Ainsi, par exemple, dans les premiers mois de la révolution, le total de l’impôt foncier perçu diminua de 32 % ; celui des impôts sur les immeubles dans les villes, de 41 % ; celui des impôts sur les loyers, de 43 %, etc.
La désorganisation de notre vie intérieure eut pour conséquence la baisse du rouble et des valeurs russes à l’étranger ([1]).
Le Gouvernement Provisoire mit à la base de son œuvre financière « la réorganisation du système financier conformément aux principes démocratiques, au moyen de l’imposition directe des classes possédantes » (impôt sur les héritages, sur les bénéfices de guerre, sur la propriété, sur le revenu, etc.). Cependant, le Gouvernement ne se décidait pas à avoir recours à un moyen recommandé
- ↑ Le 28 juillet une livre sterling valait 21 roubles ; un franc français, 77 kopeks. Le 28 août une livre sterling valait 37,5 roubles ; un franc français, 1 rouble 10 kopeks.