Page:Denikine - La décomposition de l'armée et du pouvoir, 1922.djvu/164

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Un appareil aussi fragile que l’était l’armée au cours de la guerre et de la révolution, ne pouvait se maintenir que par la force d’inertie et ne pouvait supporter aucune nouvelle secousse. Ce qui était permis, c’était d’éloigner les éléments incontestablement nuisibles, de modifier, d’une façon radicale, le système des nominations en faisant place aux plus dignes, et de laisser ensuite la question suivre son cours naturel, en tout cas sans trop y insister et sans en faire un programme d’action.

En plus des chefs ainsi éliminés, plusieurs généraux, parmi lesquels Letchitsky et Mistchenko, quittèrent l’armée de leur plein gré, n’ayant pu se plier aux exigences du nouveau régime. D’autre part, beaucoup de chefs furent destitués dans l’ordre révolutionnaire sous l’influence directe ou indirecte des comités et des soldats. À cette dernière catégorie appartenait, entre autres, l’amiral Koltchak.

Les changements se produisirent encore longtemps, partant des idées les plus diverses, souvent contradictoires, qu’on se faisait de la direction de l’armée ; aussi revêtaient-ils un caractère extrêmement désordonné, empêchant la constitution d’un type déterminé du commandement.

Alexéiev destitua le commandant en chef Rouzsky et le commandant de l’armée Radko-Dmitriev pour manque d’autorité et opportunisme. S’étant rendu au front du Nord, il en rapporta une impression défavorable sur l’activité de ces deux généraux et posa délicatement la question de leur « surmenage ». C’est ainsi que leur démission fut interprétée par la société et par l’armée. Pour les mêmes motifs, Broussilov destitua Youdénitch.

Je destituai un commandant d’armée (Kvietzinsky), parce que, dans la question de la « démocratisation » il avait subordonné sa volonté et son autorité à l’action désorganisatrice des comités.

Kérensky destitua le généralissime Alexéiev, ainsi que les commandants en chef Gourko et Dragomirov, pour leur opposition énergique à la « démocratisation » de l’armée ; des motifs directement opposés ont amené la destitution de Broussilov, opportuniste s’il en fût.

Broussilov destitua le commandant de la 8ème armée, le général Kalédine (plus tard ataman du Don, universellement respecté), sous prétexte que celui-ci avait « manqué de cœur », parce qu’il ne donnait pas son adhésion à la « démocratisation ». Cette mesure fut prise à l’égard d’un général qui était un soldat de grand mérite, et sous une forme brutale et blessante : Broussilov lui proposa d’abord une autre armée et ensuite souleva la question de sa démission. « Toute ma carrière, m’écrivait à cette époque Kalédine, me donne le droit de ne pas être traité comme un bouche-trou qui sert à combler toutes sortes de lacunes, sans qu’on lui demande son avis ».

Le général Vannovsky, destitué du commandement d’un corps d’armée par le commandant de l’armée Kvietzinsky, pour avoir refusé