littérature de propagande, mais surtout par leur manière impudente de flatter ses instincts. Que pouvait leur opposer un vrai soldat qui invitait à remplir le devoir, à obéir, à lutter pour la Patrie sans ménager sa vie ? Les bons officiers, si même ils pénétraient dans les comités inférieurs, passaient rarement dans les organes supérieurs, se perdaient dans une ambiance qui leur était étrangère et, peu à peu, se trouvaient évincés. Ils n’avaient ni la confiance des soldats, ni le désir de travailler dans les comités, ni, peut-être, une instruction politique suffisante. Dans les comités supérieurs on trouvait quelquefois un bon soldat, sachant comprendre les intérêts de l’État, plutôt qu’un officier, car un homme revêtu de la capote de soldat pouvait dire à la foule bien des choses qu’elle n’aurait pas souffertes d’un officier.
L’armée russe fut désormais dirigée par des comités composés d’éléments qui lui étaient étrangers, que le hasard seul, pour la plupart du temps, avait amenés dans ses rangs et qui représentaient des organes socialistes interfractionnaires plutôt que militaires.
Il semblait étrange au plus haut point et outrageant pour l’armée que les congrès du front, représentant plusieurs millions de combattants, un grand nombre d’excellentes unités ayant un long passé de gloire, comptant dans leurs rangs des officiers et des soldats dont pourrait s’enorgueillir n’importe quelle armée du monde, que ces congrès eussent à leur tête des personnages absolument étrangers à l’armée : au front de l’Ouest, un civil, juif, social-démocrate bolchevik, Posner ; au front du Caucase, un civil, social-démocrate menchevik, nationaliste géorgien, Guéguetchkori ; au front de Roumanie, un médecin, socialiste-révolutionnaire, géorgien, Lordkipanidzé.
Que faisaient donc ces organisations militaires appelées à reconstruire sur des bases nouvelles « la plus libre armée du monde entier ? ([1])». Je citerai une série de questions ([2]) qui furent discutées, à quelques variations près, à tous les congrès des fronts et dont s’inspiraient ensuite tous les comités des fronts ainsi que les comités subalternes.
1. — L’attitude à l’égard du Gouvernement, du Soviet et de l’Assemblée Constituante ;
2. — L’attitude à l’égard de la guerre et de la paix ;